mon directeur de vie chrétienne
l'Abbé Jacques GLANGEAUD. Né le 27 avril 1923 à Limoges, il a été. ordonné le 29 juin 1949. Nommé vicaire à Pontarion, il devient curé de Sardent en 1953 et aumônier-adjoint de l'Action Catholique Rurale le 14 septembre 1960. En 1967, il est chargé de la ZUP de l'Aurence à Limoges, puis en 1972 curé de Rilhac-Rancon et aumônier de la maison d'arrêt. En 1973, il devient' responsable du Centre Notre-Dame et en 1987 curé de Vicq-sur-Breuilh. En 1998, il vient aux Saints Anges comme auxiliaire. En octobre 2002, il se~ retire au Grand Séminaire où il est décédé le 17 février 2004. Il était Chevalier de l'Ordre National du Mérite.
Jacques Glangeaud a connu mon père avant son mariage, lorsqu'il était responsable de district scout. Quand il est revenu à Limoges, après ses services de guerre, de père blanc et de seminaire, mon père s'est marié et je suis né en 1942. Mes parents onteu 7 enfants entre 1942 et 1950.
Très jeune, Jacques venait à la maison et déjà il prenait la défense de ma mère quand je voulais que nous nous préparions plus vite afin d'arriver à l'heure à la messe. Il voyait sa préoccupation pour le repas qui devait suivre, l'aspectde chacun de ses enfants et son souci du détail en vue du service religieux. La messe célèbre et couronne la vie humaine quand elle a été vécue avec ces exigences et le service dans le détail des besoins humains.
Dans cet esprit, il préférait commencer la messe avec quelque retard, pourvu qu'il y ait eu préalablement un contact chaleureux entre les fidèles. Durant la messe, il tenait à ce que les petits enfants viennent librement près de l'autel; ils avaient une priorité. Il fut l'un des premiers à nous demander de nous donner la main lors de la récitation du Notre Père au Centre Notre-Dame.
J'ai eu Jacques comme aumônier à l'Ecole Montessori de 18 mois à 13 ans. Dès 1950, il célébrait la messe en français, face aux fidèles, 24 ans avant le concile Vatican II, afin que nous vivions en intelligence cette amitié et cette communion avec Jésus dans l'Eucharistie. Il m'a très tôt mis en contact et en confiance avec Jésus qu'il m'a fait aimer comme un ami proche, me faisant vivre une vie mystique sans le savoir, comme l'essentiel de ma vie de chrétien.
Il m'a préparé à ma première communion du 24 juin 1948, j'avais alors 6 ans, chez lesreligieuses de Nazareth, Rue Pierre Brossolette. Il m'a ouvert à la foi et à l'amour de Jésus présent dans l'hostie. Il m'a préparé ensuite à la confirmation que j'ai reçue en l'église Ste Thérèse de l'Enfant Jésus le 9 juin 1952 avec le Père Rousselot, curé, et Monseigneur Rastouil.
Très jeune, puis adolescent avec d'autres jeunes de l'Ecole Montessori, nous allions à Sardent entre 1949 et 1953 pour la Semaine Sainte où il nous apprenait à jouer la passion dans les églises... et jusque dans les cafés ! La nuit du Jeudi Saint, nous nous levions pour prierJésus devant le reposoir pendant une heure. Nous disposions d'unplan de Rome sur lequel nous pouvions suivre chaque jour l'itinéraire des célébrations du pape. .
Cela ne nous empêchait pas defaire des ballades dans cette belle campagne,des parties de footballou de balle aux chasseurs. Il tenait à ce que nous participions à la préparation des repas et à ce que nous allions dans les fermes, au contact des paysans, pour acheter notre nourriture. Bien que curé de Sardent, il aidait aux travaux des champs, et je me suis rendu compte qu'il en était moqué et calomnié par des personnes hostiles à la religion. Il recevait le soutien du Père de Montaigut, curé et doyen de Pontarion, à qui nous rendions visite à pied. Nous venions aussi restaurer ses églises où il remettait en valeur les autels (en granit de la région) que nous tournions vers l'assistance. C'est à cette époque qu'il rencontra le jeune réalisteur Claude Chabrol, dont une séquence du film "Le Beau Serge" fut tournée dans son église.
De retour à l'école, il tenait à nous faire jouer, habillés en santons, la vie de Jésus sur une immense maquette de Jérusalem et de ses environs, pour nous mettre en contact avec l'Evangile. Cet Evangile et les textes de la messe étaient écrits à la main par les meilleurs d'entre nous, et les paroles de Jésus l'étaient en écriture script.Il nous conduisait à la cathédrale vivre la liturgie avec l'évêque, faisant ainsi le lien entre la vie de Jésus et la liturgie de l'Eglise.
Le samedi, avant de nous parler de catéchisme, il nous envoyait visiter des personnes âgées et nécessiteuses pour leur apporter de la nourriture que nous avions gagnée à la maison par notre travail. Il réalisait pour nous enseigner cette parole évangélique : "Celui qui fait la vérité vient à la lumière".
Après son séjour à Sardent, il s'est installé à la Maison Diocésaine de Guéret où il m'a acceuilli, venant de Paris, pour ma convalescence. Il a su réconforterma famille et m'aiderà guérir. Acette époque, je le suivaisdurant ses messes; même si nous n'étions que trois,il soignait ses homélies et sa liturgie. Fidèle à son bréviairejusqu'au bout, et il était fier d'être une sorte de "Curé d'Ars" avec humour puisqu'il avait dans ses chapelles Ars en Creuse.
Obéissant à son évêque, il revint à Limoges où, deparoisse en paroisse, il accumula les fidèles dont certains le suivirent.Il favorisa, par des réunions de son initiative,le dialogue entre catholiques et protestants, puis pour l'action commune d'aide aux personnes en difficulté. Jacques Glangeaud voulait créer à la ZUP un lieu inter-religieux (avec accueildu culte musulman dans l'Eglise). De même, il avait des rencontres avec les francs-maçons. Son action politique était connue et concrète avec le Parti Socialiste et il était à l'initiative de la création d'associations en faveur des plus pauvres. Il était présent dansdes instances institutionnelles,administrateur dans des associations telles quel'ARSL ou le GATREM. Bien qu'il en souffrait, ila reclassé denombreux prêtres ayant quitté le ministère et mariésen leur trouvant un travail social età qui il gardaitune amitié sans jugement.
Il avait à coeur que les jeunes soient accueillis et disposent d'un espace d'expression et de vie dans ses presbytères, au détriment de sa tranquilité. Cettefidélitéà tout crin aboutit parfois à des conversions20 ans après les premiers contacts.Comme aumônierde la prison, Jacques Glangeaud les suivait quand il se rendait compteque certains tournaient mal. Illes accueillait à leur sortie à Rilhac-Rancon pour assurer leur réinsertionou au Centre Notre-Dame oùil mettait3 chambres à leur disposition, alors que lui-même couchait dans son bureau .
Quand avec le Père Jubert et Jacqueline, ma femme,nousavons créé ATD Quart Mondeà Limoges en octobre 1985, il a assisté à la premièreréunion constitutive pour être le premier adhérent et le premier soutien.Il faisait de mêmepour toute association de ce genre : la Bonne Assiette, et autres.
Quand il m'a préparé au mariage, il m'a fait comprendre l'écoute et le respect que je devais à Jacqueline. Souvent nous faisions le point pour supprimer des engagements, même d'église, si c'était au détriment de notre relation de couple, puis de père de famille. Jamais je ne l'ai vu demander à un couple une aide pour l'Eglise si cela devait perturber l'équilibreconjugal. Combien de fois il m'a fait couper court à des engagements quand il sentait que mon coeur risquait d'être infidèle (même par amitié) à ma femme !
En 1967, lorsqu'il s'installa comme curé àla ZUP en construction,son appartement fut la premier lieu d'accueil et de vie des jeunes au détriment de sa tranquillitée. Et quand ces jeunes, par leurs bétises, furentincarcérés, il fit tout pour devenir l'aumonier de la prison et pour les suivre. Il allait rencontrer tous lesnouveaux arrivants etme disait chercher en chacun d'eux le goût du bien pour ledévelopper. J'ai assisté à ses messes de Noëlqu'il célébrait dans l'enceinte de la prison avec l'évêque de Limoges.
J'ai aménagéavec lui une chapelle dans la cave, puis nous avons participé à la construction de l'église St Loup et à cellede St François. J'ai fait de la cathéchèse avec lui au Centre Notre-Dame,mes enfantsy ont étébaptisés et y ont communié pour la première fois avec de belles fêtes avec lui dans ses locaux.
Dans le mariage, Jacques demandait à celui le plus en avance de se mettre au pas de l'autre et il était très attentif à l'unité d'expression sexuelle et à l'écoute. Il m'a fait comprendre que le moindre acte d'obéissence réjouissait davantage Jésus quele prosélytisme, qu'il fallait porter sa croix par le travail... Il m'a apprisà fuir la gloire et l'ambition, et à rester toujours àl'écoute des pauvres.
De 1968 jusqu'à samort, chaque mois,je me confessé à lui.Au plan spirituel, il était un remarquable confesseur et directeur de conscience, ayant lu St Jean de la Croix, Ste Thérèse d'Avila, le Père Marie Eugène et son "Je veux voir Dieu". Son amour de l'Eglise, du pape, son obéissance à son évêque me l'ont fait choisir comme directeur spirituel.
Il était très lucide et très informé. Il voulait que nous soyions "souples comme un danseur", jamais attachés à une grâce ou à une illumination. Il revenait à la méditation des souffrances de la passion de Jésus nous disant que la plus grande union avec Dieu est dans la nuit de la foi. Dieu est esprit et amour et c'est en esprit et en amour que nous sommes en communion avec lui. Le reste estsensiblerie, source d'erreurs, d'autosuggestion ou du démon. A la fin de sa vie, l'évêque l'avait nommé exorciste.
Sa préférence allait à la spiritualité de Ste Thérèse de l'Enfant Jésus, à l'abandon et la confiance à la manière d'un enfant. Pour lui, la priorité «au devoir d'état,» à porter sa croix, à vivre les paroles de l'évangile chaque jour dans tous les instants de la vie était le plus important. Si une seule parole était à vivre, c'est : " J'avais faim et vous m'avez donné à manger, j'étais nu... Tout ce que vous avez fait au moindre de ces petits qui sont mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait." Jacques l'a mise en pratique toute sa vie.
Il a toujours été respectueux de "la mèche qui fume". Pour les demandes de sacrements, il ne les refusait jamais sous prétexte d'un manque de foi ou de pratique religieuse, car il avait un grand respect de l'action de l'Esprit Saint chez les petits et les pauvres comme il avait aussi confiance dans l'évolution ou le chemin de la grâce chez les riches. Il suivait son maître en miséricorde. C'est cette confiance en l'action de Dieu agissantequi faisait qu'il aimait tant le baptême des petits enfants, la communion précoce chez les couples pratiquants et des enfants dès qu'ilsreconnaissaient avec discernement Jésus dans l'Eucharistie.
Jacques a toujours eu un grand souci des bâtiments des églises de Sardent, Sous-Parsat et Ars qu'il restaurait en respectant le granit et l'art de l'époque en revenant aux matériaux de base. De St Loup et St François qu'il a créées en art moderne (autel en aluminium, photos en décoration)jusqu'à Vicq sur Breuilh et la revalorisation de la crèche et de l'église. Il pensait à la demeure vivante où Jésus au tabernacle était honoré et qu'il priait. D'ailleurs, dans les derniers moments où il perdait ses repères, Jacques me demandait si j'avais ouvert l'église.
Dans la dernière année, il voyait arriver sa croix par la détérioration de sa santé et il la redoutait tout en, à chaque étape, offrant au Seigneur les renoncements qui lui étaient imposés avec un acte d'amour pour l'Eglise qui m'a souvent impressionné. En juillet, il a voulu donner sa vie pour cette Eglise de Limoges dans les mains de son évêque. Six mois de souffrances terribles qu'il a assumées avec un courage, un sourire et une gentillesse avec le personnel soignant qui en a été étonné et stupéfait. Dans ses rêves, dans la souffrance ou le délire de la fin, c'est l'écoute des jeunes qui le tourmentait; il se voyait aller avec eux, chez eux, les écouter et les comprendre. Lorsqu'on lui rendait visite,on le sentait heureux, surtout quand ses amis de la prison étaient là, autour de lui. Je crois qu'il était impensable pour lui de se présenter devant Dieu sans eux. Je pense qu'il a refusé la mort pour participer à la passion de son Maître pour eux, afin de compenser ce qui pouvait manquer pour que tous soient au ciel avec lui.
Pour conclure, je dois direégalement la place unique que la Vierge Marie a eue dans sa vie. Jeune prêtre, il me disait que, face aux tentations ouaux insomnies, il récitait lechapelet pour se remettre dans ses bras, confiant comme un enfant. Il le récitaitaussi chaque soir, en plus de son bréviaire, dans un coin de sa chambre du presbytère, devant les photos de tous ceux qui s'en étaient remis à lui.
Merci, Jacques, d'avoir ététellementrempli de l'amour du Père et d'en avoir assuré le rayonnement.
Témoignage a son enterrement: