Lustiger-Touret

Une rencontre vécue par Paul Mandonnaud avec Mgr Lustiger chez M. Jean Touret au Montil (Loir-et-Cher), vers juin 1967.   Cela faisait plus d'un an que sortant de l’hôpital de La Chesnais je préparais un CAP de menuisier chez M. Lerin, un des « artisans de Marole » dont Jean Touret était le dessinateur inspirateur d'objets. M. Lerin m'avait présenté à Jean Touret et sa famille. Ma recherche spirituelle de jeune converti sortant de l'Opéra de Paris avait trouvé avec Jean un partage de foi et d'art. Or en ce mois de juin, Jean m'annonce la venue du Père Lustiger qui venait avec un autre prêtre et quelques étudiants. J’étais invité l’après-midi chez Jean pour présenter un groupe de danse que j'animais avec les jeunes du village, mais je savais que le Père Lustiger dirait la messe du dimanche au village. Ce fut en cette messe une grande rencontre avec Dieu, en Jésus présent dans le prêtre à l'autel. Le père Lustiger connaissait la messe par cœur. C'est les yeux fermés, tout dans le regard intérieur vers Dieu le Père présent à Jésus en lui officiant, que je l'ai vu. C'était inouï et nous priions avec lui tous ensemble. L’après-midi j'ai vu un prêtre épuisé de fatigue, c'était clair en voyant son visage, en cet après-midi ensoleillé, mais enthousiaste de parler avec M. Touret de ses projets, attentif aux jeunes venus avec moi, dynamique avec en lui un élan évangélique visible d'amour et d’entrain, et heureux de ce moment dans la nature et fraternellement vécu.   Plus tard dans mes contacts avec Jean,je suivais toutes les réalisations que Mgr Lustiger demandait à Jean Touret, et nous en parlions. Car, comme le dit si bien dans son entretien Mgr Lustiger à Radio Notre-Dame, Jean Touret voulait faire passer la présence de l'Esprit saint dans sa sculpture, les relations de l'homme priant avec Dieu avant la réalité de l'objet sculpté,par l'objet sculpté. Pour Touret l'amour de Dieu qui l'animait était son modèle d'inspiration. Le cuivre, le bois, le bronze devait servir à cette expression sans faire barrage,il voulait ne pas être assez réaliste pour ne pas créer des idoles mais des signes qui nous poussent à aller, en nous, vers Celui qui nous appelle : « Dieu par Jésus en son Esprit saint ». Faire passer l'Esprit !, l’invisible, la vibration de l'amour, par son métier de sculpteur. Et pour cela sa confiance en la Providence qu'il servait été stupéfiante, car il avait femme et enfant à nourrir, mais il pariait toujours sur Dieu en premier. Il me poussait en ancien danseur aussi à l'exprimer, et en mon métier de menuisier à l'imiter. Je l'ai fait venir à Limoges où il a fait le chœur de l'église Jeanne d'Arc à sa manière. Pour lui l'invisible,l'Esprit était à chercher, à accueillir, à servir dans nos arts, toujours premier, et s’arrêter quand on arrive à soi. Il voulait que son art nous renvoie au meilleur de nous-mêmes, nous pousse vers l'intériorité, il voulait par son art exprimer l'invisible mais si présent Esprit de Jésus.   Voilà ce que je peux dire sur cette époque,