Père Joseph Wresinski  fondateur d'ATD Quart-monde

Aujourd'hui je souhaite vous parler du P. Joseph WRESINSKY, le fondateur d'ATD Quart-monde, en vous partageant la lecture de l' ouvrage de Thierry MONFILS,(épuisé) religieux jésuite belge, qui fut un temps "volontaire au mouvement ATD Quart-Monde".

Bien qu' écrit voici bientôt dix ans, ce livre reste toujours d' actualité, car comme le dit le sous-titre , il veut nous aider à pénétrer à la source de l' action du P. Joseph et à saisir le lien profond entre "Sacerdoce et amour des pauvres"..

Ce livre veut être, en plus d' un rapide coup d' oeil sur la vie de P. Joseph (40 pages), une présentation - synthèse des écrits du P. Wresinsky, et dégager sa pensée en trois axes.

la place des plus pauvres dans le salut qu 'apporte Jésus.

le rôle sacerdotal du peuple de Dieu, des laïcs, dans l' offrande de leurs vies à Dieu

la priorité de les évangéliser et de les accueillir pour recevoir le règne de Dieu.

Je crois que c' est notre devoir de chrétien en ces jours proches du 17 octobre, - Journée mondiale de lutte contre la misère, journée décrétée par l' O.N.U.à l' initiative du P. Joseph - de reprendre conscience que Jésus s' est fait le plus pauvre au milieu des pauvres, pour les pauvres, et comprendre que les accueillir, c' est recevoir Dieu lui-même. Enfin, reprendre conscience que les racines de l' Église sont en eux, comme le dit si bien le titre de l' un de ses livres :« les pauvres sont l' Église».

Pour vous dire l' importance de ce livre, il n' est pas inutile de savoir que le Cardinal Roger ETCHEGARAY, qui a connu le P. Joseph, en a écrit la Préface pour en recommander la lecture.

Ce livre, publié en 1994, est la reprise pour le grand public d' un mémoire de licence en théologie présenté à Bruxelles en 1991 - Ce livre est la synthèse des Écrits du P. Joseph. publiés en cinq q livres- Je vous les mentionne par ordre chronologique :

ÉCRITS ET PAROLES. AUX VOLONTAIRES ( 1960-1967) publiés pour l première fois en 1967 et en seconde édition en 1992, aux Éditons St-Paul/ Paris. Recueil de l' enseignement donné le soir aux Volontaires d' ATD ou par lettres. Cela permet de comprendre les familles pauvres et comment il envisageait la formation du Mouvement des Volontaires. HEUREUX, VOUS LES PAUVRES - Paris, éd. Cana 1984 - Conférences

de Carême dans une paroisse de Paris, sous forme de Méditations de scènes d' Évangile pour permettre la découverte de Jésus au milieu des pauvres.

LE PERE JOSEPH, " les pauvres sont l' Église". - Entretiens avec Gilles ANOUIL - Paris, Centurion 1983, coll. "les interviews". Le P. Joseph y évoque son enfance et son parcours, et explicite sa pensée sur l'Église en lien avec les plus pauvres, ainsi que la naissance en 1956 du Mouvement.

PAROLES POUR DEMAIN - Paris, Desclée de Brouwer 1986 (143 p.) : recueil de ses méditations mensuelles à partir de sa vie quotidienne avec les familles très pauvres.

Enfin, LES PAUVRES, RENCONTRE DU VRAI DIEU - Paris, éd. Cerf 1986 - Recueil des sermons donnés pour le Carême dans deux paroisses parisiennes. Le Père témoigne de la rencontre authentique du Dieu vivant dans la vie au contact des très pauvres..

Revenons au livre de P. Thierry Monfils, Le P. Joseph - Il y a deux parties en ce livre . Tout d' abord, « Une pratique chrétienne dans un projet de civilisation». L' auteur y présente l' itinéraire religieux du P. Joseph, né en Anjou dans un milieu pauvre en 1917, son passage à la J. O.C. (Jeunesse Ouvrière chrétienne), son désir de devenir prêtre dans le souci de servir les exclus, son premier ministère dans une paroisse rurale où il est vite appelé le "prêtre de la racaille" par suite de son accueil des plus pauvres, puis son arrivée à Noisy le Grand en 1957, auprès de l' Abbé Pierre. C' est dans ce camp que P. Joseph est reconnu par son Évêque dans sa mission et que lui-même reconnaît son peuple et où germe l' intuition de départ qui allait devenir une action internationale -

pages 40-41 : Cette intuition de départ porte en germe tout ce qui allait devenir une action internationale. il s' agit bien d' une intuition spirituelle. Elle prend sa source dans la victoire de Jésus-Christ sur le péché-source de la misère. L' exclusion n' est pas le premier ni le dernier mot de l'histoir des hommes et de Dieu. La misère n' est pas fatale, elle a été vaincue et le sera encore .A charge pour l' humanité de vouloir la détruire et de s' unir dans ce combat de toujours.

Ce combat a commencé dans le dénuement. Le Père Josephe a été un prêtre lui-meme pauvre parmi les pauvres. Voici encore son témoignage:

"Il y avait peut-e tre deux jours que j' étais la, trois jours, et puis j' étais assis en regardant les gens passer, pour essayer de comprendre un peu qui ils étaient, essayer de prendre dans dans ma mémoire leurs silhouettes, leurs visages, de façonà pouvoir les appeler par leurs noms.Les enfants éraient un peu autour de moi. Et puis Madame Escolle, elle vient me voir, et puis elle s' assiedà coté de moi. C' était une femme de la misère, qui avait eu sept, huit enfants qu' on lui avait retirées. Son mari était un jeune homme qui ne faisait rien du tout; son nouveau mari. Mais c' étaient de tellement braves gens.

Alors Madames Escolle elle vient la, elle s' assoit, puis elle dit" J' ai mes enfants, j' ai pas à manger. J' ai pas ceci" Puis elle se met à pleurer. Et moi j' avais pas un sou. J' avais rien, rien, rien,rien, puiqur le soir au fond je mangeais ce que je pouvais, bien souvent, comme ça. Je dis: "Madame, je n' ai rien à vous donner. J' ai rien,rien à vous donner, je ne vais pas donner ma soutane, quand même." Et alors elle m'a regardé, et puis elle a vu que c' était vrai. Alors elle s' est mise debout, et puis elle a dit:"Venez voir un curé, un curé qui est complètement dingue, un c.. Il a pas un sou."

Alors les gens se sont approchés. J' ai compris qu' au fond ma force c' était d'etre quand même prêtre au milieu d' un peuple. Etun prêtre qui ne prenait pas des attitudes: Jai toujours refusé d'etre en civil au milieu de la misère; J' ai toujours été en soutane, toujours, toujours; non pas parce que j' étais réfractaire à être en civil mais parce que je sentais que les familles étaient tellement attachées à l' image de l' homme que j' étais et qui étais prêtre.

J' étais prêtre,, et prêtre d' une Église dont certains faisaient partie. Et du fait que j' étais prêtre, que j' étais en soutane, certains pouvaient me dire non, pouvaient me rejeter. Et parfois j' ai reçu des coups, des insultes. Mais ça faisait rien, j' étais prêtre, j' étais au milieu de ces familles. Ma parole d' une certaine manière reprenait celle du Christ:"Heureux vous les pauvres, car ils verront Dieu. Ils possédèrent Dieu, ils ont déjà Dieu comme bien, ils sont absolument envahis de Dieu." Et leur pauvreté est témoignage que l' oeuvre de Dieu peut se faire si ces pauvres crient non pas la haine mais l' amour, forcent les hommes à s' aimer." dit le père josephe

P. Joseph y reconnaît son peuple et crée avec eux un mouvement de promotion, axé sur la dignité de la personne, et en vue de l' intégration dans la société sur une base inter confessionnelle.Étant fidèle au plus profond de son sacerdoce, et fort de son attachement à l' Église, il nous fait découvrir comment Jésus est attaché au plus pauvre, comment il nous attend au milieu d' eux pour construire son Église et redécouvrir ensemble toute la dignité de ceux qui construisent son royaume.

Seconde partie : Tous prêtres pour Jésus Christ

L' auteur veut nous faire comprendre que le sacerdoce universel des baptisés ne prend toute sa dimension que vécu au milieu des plus pauvres, en les évangélisant, les offrant à Dieu et les incorporant à l' Église par les sacrements. Étant eux-mêmes présence de Jésus au milieu du monde, intercesseurs pour nous auprès de Dieu.

Les plus pauvres nous attendent pour construire l' Église de Dieu, car Jésus dès le début de sa prédication nous a dit : "L' Esprit du Seigneur est sur moi par ce qu' il m'a consacré par l' onction pour porter la bonne Nouvelle aux pauvres." (Luc 4,18°).

Par leurs détresses et lucidité, par leur dépouillement et soif, les plus pauvres vont à l' essentiel pour accueillir Dieu ; ils sont nos maîtres pour appendre à se dessaisir des multiples superfluités qui nous dispersent et nous empêchent d' écouter et de vivre selon la parole de Dieu pour que s' accomplisse son Royaume.

Le Père Josephe écrit en effet: "Tout homme est chargé de sacerdoce". Il ne vise pas seulement le sacerdoce des baptisés; il ouvre la réflexion en affirmant un sacerdoce humain, naturel, universel: tout homme, servant le pauvre, sert Dieu et en cela exerce un sacerdoce.

Le sacerdoce humain exprime le rôle actif de chacun devant Dieu pour le salut des autres. Cette donnée de l' existence trouve son fondement en Jésus-Christ: il est à la fois l' homme qui s' offre à Dieu et Dieu qui s' offre à l' homme. Son sacrifice est offrande agréable à Dieu. Toute personne humaine trouve en lui la source de son sacerdoce: il s' est offert pour que nous puissions nous offrir en lui. En lui le sacerdoce universel trouve sa source et sa force.

Pour lui il dit: "La vie m'a appris que mon sacerdoce ne pouvait être autre chose que le service des familles de la misère. Et les familles m' ont appris que je ne pouvais pas être à leur service sans être, en premier, au service de ceux qui, avec moi, autour de moi, servaient le même maître."

Vigoureux dans ses interpellations et ses mises en questions, le Père Josephe a toujours voulu unir la justice et l' amour. La justice est le"premier devoir de la société". L'experience de Marie fait voir que"sans justice, l' amour est impossible et sans amour, la justice est inique aux pauvres". La justice reconnaît à chacun son droit; elle est nécessaire mais insuffisante. L'etre humain veut donner et recevoir plus que ce minimum: dans la gratuité et la surabondance, l' amour précède la justice et va plus lion. 3 Les hommes doivent.. aller jusqu'au bout de la rencontre de l' autre, assumer l' autre comme eux-meme, jusqu'au plus pauvre. Sinon, rien n' est fait, l' oppression dure et nous-meme la faisons durer. Aimer l' autre comme nous-meme, nous devons le faire avec tout ce que cela comporte de dépouillement réciproque face aux plus misérables".

Au centre de sa vision se trouve Jésus-Christ, notre réconciliation, notre justice, qui nous aima jusqu 'à l'extrème. Trois liens sont particulièrement forts chez le Père Josephe:L' universalité et la priorité aux plus pauvres; la justice et l'Eglise; la mystique et l' engagement politique.

Le message social du Père Josephe repose sur la conviction"que riche et pauvres(doivent) s' unir" pour faire respecter les droits de l' homme."L'Evangile... me semble déborder de la tendresse de Jésus pour les plus pauvres. Mais quelle signification aurait cette tendresse, si à partir des plus pauvres, elle ne recouvrait pas tous les enfants du Père? L' amour de Dieu ne place pas certains hommes à part des autres: il est unificateur, il ne peut être autre. Dieu unit des hommes qui étaient séparés, pour qu 'ils soient un à bâtir le Royaume. Dans l'Evangile, tous les hommes se retrouvent, mais tous n' ont pas à faire, vers cette terre d' union, le même chemin. La différence entre les pauvres et les nantis me parait être, qu 'aux pauvres, le Christ dit de transformer leurs condition en utilisant leur pauvreté, alors qu' il enjoint aux riches d' abandonner leur situation."

Le projet divin est de sauver tous les hommes; pour cela, il fallait que Dieu lui-meme se fasse homme et devienne"L' Homme-Pauvre"."Nous devons d' abord reconnaître le choix du Seigneur d' assumer pleinement la condition de l' homme le plus méprisé, j' allais dire: de l' homme sous-prolétaire. Il ne le fit pas seulement au moment de sa naissance et de sa mort, mais toute da vie durant. Il a vécu en homme méconnu et rejeté et il en avait les manières, la façon de réagir aux hommes et aux événements. Ses paroles, ses réponses, ses actes, tout en lui dénonce l' homme constamment dédaigné. Les évangiles nous dépeignent Jésus Christ réellement mal à l' aise dans le monde, comme le sont les sous-prolétaires aujourd'hui, souffrant comme eux, car, le Christ ne simulait pas, il était eux"

C' est pour l' église, nous avons vu, que le Père Josphe a mené son combat"Tout au long de mon sacerdoce, écrit il, j' ai espéré ramener les plus pauvres au coeur de l'Eglise, en proclamant leur vie et ce qu 'ils vivaient déjà du dessin de Dieu"

Notre auteur soulignait l' attachement de l'Eglise aux pauvres et celui des pauvres à l'Eglise: "Autrefois l'Eglise était très attentive à cette population. Il n'y a pas si longtemps encore, elle lui consacrait de multiples façons, un nombre considérable de personne: on peut dire qu 'elle donnait aux pauvres les deux tiers de sa pensée et de son temps. C' est peut être cela qui explique l' attachement profond des pauvres à l'Eglise, bien qu' il n'yait plus personne pour s' occuper d' eux, plus de prêtres qui se croient honorés d' aller vivre avec eux."

"L'Eglise a maintenu le refus de l' injustice et de la misère dans la mémoire collective, autant par ses prudences et réserves que par ses avancées. Elle l'a fait avec beaucoup de désintéressement, et sans elle, quoi qu' on dise, nous n' aurions pas le même sens de la liberté, de la justice, de la vérité qui est la notre."

Pour conclure on peut dire: Un prêtre a surgit de la misère, comme sans crier gare, sans bruit, sans songer à faire parler de lui. Il propose à son Église la méditation des siens et laisse entrevoir qu' autour de leur refus de tout misére-que Jésus est venu habiter de sa Croix victorieuse- tout homme peut être chargé de sacerdoce. Ce faisant, il nous dépouille pourtant de bien des idées et des sécurités reçues, pour nous conduire aux sources même de l' évangile. Vers la source de toutes spiritualité; Jésus-Christ, frère des misérables et pour cela même de tous les hommes."

Écoutons pour terminer combien il aime l'Eglise:"...L'Eglise, c'etait la prière de ma mère, c' était ses silences, sa méditation. C' était aussi l'aumonier du Bon-Pasteur qui, des centaines de fois par jours, répétait: "Mon Dieu, je vous aime, mon Dieu, je vous aime..." C' était le curé de la paroisse respectant ma mère comme ne le faisait pas les voisins. Toute pauvre qu 'elle éyait, il venait lui demander le denier du culte et il recevait avec énormément de respect la pièce que ma mère lui tendait. En regardant en arriéré, je vois que la personnalité de l'Eglise, à mes yeux d' enfant, était humble et vulnérable comme ma mère, que sa réalité était mépris dont on l' entourait. Peut-etre est ce pour cette raison que je n'ai pas de difficultés, en observant aujourd'hui le monde de la misère, à me dire; c' est cela, l'Eglise. Contre cette Église, pauvre et servante, personne ne peut rien; car c' est dans sa vulnérabilité que réside sa force. Tant qu 'elle sera comme le Christ, calomniée, battue, qu' on lui crachera au visage, elle sera acte d' amour et les plus pauvres se reconnaîtront en elle. Plus elle est déchue(et j' insiste sur ce mot), plus les plus pauvres savent qu 'elle leur appartient et plus ils sont prêts à se retrouver en elle, à rejoindre pour sauver les riches et ceux qui leurs ressemblent.

Paul